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Chères Mauriciennes, chers Mauriciens,

WAZAAAAA ! Détendez-vous, nous sommes dans ce pays où il fait bon vivre et où tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ne sommes-nous pas vraiment chanceux ? Ici, à Maurice, ne sommes-nous pas vraiment gâtés ?

Tu parles ! Plus sérieusement et nettement moins naïvement, faisons le point sur la situation de Maurice après 50 ans de gouvernement par des politiciens hindous chez qui le pouvoir, ou même enn boutt de celui-ci, est beaucoup plus important que la promotion des intérêts supérieurs du pays.

Faisons rapidement le point sur leur bilan :

  • Voilà plus de cinquante ans que deux familles nous mènent en bateau sans véritablement encourager les citoyens à se discipliner, à devenir intègres, à apporter au pays au moins autant qu’ils ne reçoivent de lui, à apprendre ce qu’est le civisme et le sens du respect envers soi-même et les autres, à acquérir une échelle de quelques valeurs de base communes à toutes les composantes de la société, et à œuvrer — fût-ce de temps en temps — pour le développement et l’avenir du pays plutôt que pour leur propre poche ;
  • Pendant cinquante ans et plus, nous avons vécu avec une constitution bancale qui nous a été imposée, en tant que peuple, et qui est tellement déséquilibrée que les minorités autres que celle des Hindous ne peuvent participer au pouvoir qu’en s’engageant dans une coalition forcément temporaire avec un parti pro-hindou, dans lequel leur mot à dire ne peut s’exprimer pleinement ;
  • Nous sommes maintenant arrivés, avec le régime des Jugnauth, dans une situation caractérisée par une corruption et un trafic d’influence abjects, une consommation de drogues dures qui détruit nos jeunes, un népotisme qui crève les yeux, une rivalité stérile et très coûteuse entre deux politiciens hindous, une insécurité qui ne cesse de grandir, une anarchie totale en matière d’aménagement de nos terres, des services publics défaillants, un discours politique d’un niveau déplorable et dégoûtant, un degré d’endormissement de la population au point où ce qui se passe dans l’île ne semble pas susciter de grandes préoccupations, les quelques voix qui s’élèvent prêchant manifestement dans le désert ;
  • Depuis quelques mois et de plus en plus, Pravind Jugnauth pratique une politique axée sur la demande qui est économiquement désastreuse mais politiquement payante. C’est très exactement la politique qu’avaient suivie S. Ramgoolam et V. Ringadoo il y a 40 ans et qui a conduit le pays à la fin des années 1970 à deux dévaluations successives. Pravind Jugnauth utilise impunément depuis plusieurs mois l’argent du contribuable pour se refaire une virginité auprès de ses sympathisants potentiels, sans que grand monde ne trouve à y redire. En ce faisant, il vise encore une fois SA clientèle, en laissant pour compte ceux qui n’ont aucun intérêt pour lui sur le plan électoral.
  • Moralement, physiquement et intellectuellement, la déchéance de l’île Maurice est maintenant patente.

* * *

C’est dans ce climat délétère qui prévaut dans le pays que surgit actuellement un fait extrêmement préoccupant, qui pourrait aboutir à la disparition de l’identité et des intérêts durement acquis des minorités non hindoues à Maurice.

Mais avant de l’aborder, nous prévenons en toute simplicité ceux qui pensent que les Mauriciens des différentes communautés sont maintenant prêts et disposés à perdre leurs identités respectives pour les faire fusionner dans un mauricianisme encore indéfini : ce qui suit ne leur conviendra pas ! Il y a bien sûr de plus en plus de Mauriciens, dont le nombre reste quand même encore peu élevé, qui ont voulu et su transcender leur appartenance à un groupe précis pour s’identifier et vivre en harmonie, bonne entente et proximité avec d’autres pas issus du même groupe qu’eux. C’est tout à leur honneur !

Mais le mauricianisme, le vrai, n’existe pas et n’est pas encore apparu chez nous : notre histoire est trop brève et une fusion culturelle trop complexe au stade actuel pour que quiconque puisse prétendre symboliser, de par son comportement, sa culture, sa psychologie et ses convictions un vrai mauricianisme. La nation ne se décrète pas, elle émerge à son heure. À notre sens, pas avant trois, quatre, voire cinq générations, et encore… Laissons donc les rêveurs rêver à leur aise.

C’est dans un tel contexte qu’un groupuscule qui s’affiche « de gauche », Rezistans ek Alternativ, revient à la charge avec une nouvelle requête au judiciaire d’une décision portant sur l’abolition de la nécessité de déclarer son appartenance à l’une des quatre composantes communautaires de la société mauricienne lorsqu’on se porte candidat à une consultation populaire.

Avant d’exprimer nos plus fortes réserves envers ce dangereux plaidoyer, revenons à la situation qui prévaut dans notre pays depuis l’indépendance sur le traitement fortement discriminatoire réservé aux membres de certains groupes qui composent la communauté de l’île par les politiciens qui se sont succédé à la tête du pays depuis 1968, Bérenger compris.

Ce pitoyable tableau est le suivant :

Depuis avant 1968 jusqu’à aujourd’hui, les Premiers ministres successifs ont favorisé leur clientèle électorale de manière abjecte, à un tel point que les postes dans les différents organismes du secteur public sont occupés, sans l’ombre d’un doute et dans une proportion d’au moins 80 %, par les membres de cette même clientèle, alors qu’elle ne représente au maximum que 45 % de notre population. Une des principales conséquences indirectes de cette politique est celle que l’on a appelée « le malaise créole »[1].

Par ailleurs, dans notre supposée république, une discrimination prévaut sur le plan fiscal à l’avantage de ceux vivant hors des régions couvertes par les municipalités du pays. Nous y reviendrons bientôt.

Tout Maurice sait que les politiciens hindous, depuis avant même l’inoubliable « nou pou protez nou montagn » de Harish Boodhoo en 1982, ne travaillent, pour ce qui concerne les postes à pourvoir dans la fonction publique, que pour leurs soutiens électoraux. Les autres membres de la population ne les intéressent pas beaucoup. S’il y en a quelques-uns dans des emplois publics, c’est pour que l’on puisse montrer et dire que l’exercice n’est pas favorable à une seule communauté.

C’est bien à cause de cela qu’avec l’aide du lèche-bottes Bérenger les recensements ont cessé, tant pour retarder les changements dans les délimitations des circonscriptions que pour ne pas montrer ouvertement l’évolution du nombre de membres des différentes communautés les unes par rapport aux autres. Ceci a si bien arrangé électoralement les leaders politiques hindous que Ramgoolam a mis dans un tiroir (habitude héritée de son père) le rapport de l’Electoral Boundaries Commission en 2010, avec la complicité tacite de tous les partis politiques, quels qu’ils soient, tant au pouvoir que dans l’opposition.

Rezistans ek Alternativ est un mouvement qui mène, de toute évidence, une politique de gauche, l’unique formation de ce type dans l’île, à part LALIT de Ram Seegobin. Les gauchistes en France et ailleurs dans le monde sont connus pour être des idéalistes chez qui fait totalement défaut un sens adéquat de la réalité. En France, lorsqu’on veut être cynique envers la gauche, on l’appelle « le Camp du Bien ». Le gauchiste a toujours eu de bien nobles ambitions, mais il a toujours failli dans leur accomplissement. La disparition quasi totale du socialisme en Europe de l’Ouest n’est pas un accident.

Dans le climat délétère qui règne à Maurice actuellement, Rezistans ek Alternativ veut jouer au valeureux preux. Pensez-vous, si sa nouvelle initiative aboutit, ne restera plus qu’à convaincre notre assemblée nationale, et les candidats aux élections n’auront plus alors à décliner leur identité. Sur papier, ça donne « élévation morale, ouverture d’esprit, regroupement communautaire, non-identification avec le séparatisme communal, etc.)

Mais dans la pratique, l’adoption d’une telle mesure serait catastrophique, excepté pour les politiciens hindous, qu’elle ravirait au plus haut point. Pensez-vous : plus de recensements à relent supposément communaliste, plus de différences entre les différents groupes de Mauriciens, tous pareils !  Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam seraient enchantés, car ils pourraient continuer à offrir des postes, des emplois, des avantages à leur clientèle traditionnelle composée d’Hindous dans une proportion bien supérieure à leur poids réel dans la population, car non différentiable du reste de la population, celle-ci devenant subitement composée de Mauriciens, tout simplement.

À notre avis, le moment est venu pour les minorités autres que celle des Hindous de faire comprendre aux leaders politiques composant “la bande des quatre” qu’ils vont dorénavant un peu trop loin. Il arrive un point où l’abus d’une situation privilégiée devient tellement manifeste et envahissant que ceux qui en sont les gros perdants pourraient estimer qu’un boycott actif de l’action gouvernementale devient nécessaire.

Nous sommes intimement convaincus que la paix publique dans un pays multiculturel comme Maurice doit être préservée à tout prix. Mais nous pensons tout autant que le langage politiquement correct a maintenant beaucoup trop envahi l’espace public, et que nous devons clairement faire ressortir tant à Jugnauth qu’à Ramgoolam (ainsi d’ailleurs qu’à Bérenger et à Duval, des “roder coalition” dans le cadre des élections à venir), que les minorités non hindoues vont devoir s’exprimer beaucoup plus fermement dans l’avenir s’ils continuent à privilégier ouvertement leurs sympathisants et à flouer les principes élémentaires d’une démocratie représentative supposément égalitaire.

Disons aussi clairement aux politiciens hindous au pouvoir ou souhaitant y accéder de nouveau quelque chose que nous n’avons jamais osé dire ouvertement à ce jour, mais que nous ainsi que beaucoup d’autres gardent quand même en tête : depuis 1968, ceux qui à Maurice pensent et agissent à partir d’une culture et des comportements occidentaux-types privilégiant l’ordre, la rigueur, le dynamisme, le professionnalisme et l’ouverture au progrès, ont dû régulièrement avaler beaucoup de couleuvres venant des Ramgoolam et des Jugnauth depuis 50 ans et plus. Ils ont rongé leurs freins et payé le prix fort pour ne pas provoquer des frictions dans le pays. Si ces efforts, qui semblent ne jamais avoir été reconnus, continuent à être pris pour acquis, un virage dans les relations risque d’être pris dans un proche avenir. Trop, c’est trop ! Si deux familles hindoues veulent se bouffer entre elles, libre à elles d’offrir au pays leur piteux spectacle, mais qu’elles ne mêlent pas tous les Mauriciens à ce jeu, et surtout, qu’elles ne fassent pas ceux que leur sale affrontement n’intéresse pas payer le prix de leurs enfantillages de bas étage.

Rezistans ek Alternativ doit arrêter son jeu infect, qui ne peut que diluer plus avant la perception que l’on se fait des intérêts de chaque communauté du pays. Subron et Cie. sont en train de saper le sentiment d’appartenance à une culture précise et l’attachement à une identité que veut conserver encore longtemps une majorité de la population, Hindous compris. Les Mauriciens ne sont pas disposés à s’engager dans un jeu dont ils ne perçoivent même pas les règles et les éventuelles contraintes pour faire plaisir à quelques rêveurs.

Faisons aussi ressortir que l’approche du mouvement Rezistans ek Alternativ est simpliste. S’il veut montrer sa détermination à œuvrer en faveur d’une fusion à terme des différentes composantes de la société mauricienne, qu’il soit cohérent avec lui-même et qu’il commence par donner la preuve de la sincérité de sa démarche : qu’il initie un vrai combat, dans une transparence totale, contre le communalisme infect que pratiquent les politiciens hindous et qui retarde l’intégration ; qu’il combatte ouvertement et fermement la corruption et le trafic d’influence qui minent la méritocratie à Maurice ; qu’il s’engage à divulguer comment il va mobiliser la population contre la dilapidation des fonds publics à des fins bassement électoralistes ; qu’il nous dise comment il compte s’y prendre pour inculquer un minimum de respect à l’environnement ainsi que du civisme aux Mauriciens qui en manquent, y compris les Créoles susceptibles d’en bénéficier ; et enfin, qu’il nous dise quel type de politique il souhaitera instaurer et imposer dans le pays s’il arrive au pouvoir : communiste, socialiste, social-démocrate, ou peut-être alors un “pot-pourri — fouillis”, comme celui qui prévaut actuellement ?

De plus, nous nous attendons à ce que leurs déclarations d’intention, si jamais ils le font, soient suivies de prises d’action bien visibles et concrètes, en totale cohérence avec les objectifs clairs que le groupuscule aura annoncés au départ. À l’œuvre ! Du courage, et des explications franches et précises… ! On n’en attend pas moins de la part des membres d’un groupe qui prône haut et fort l’abolition de la déclaration relative à l’appartenance ethnique ainsi que les grands principes irréalistes d’une gauche par ailleurs en disparition accélérée dans le monde entier.

Du paradis où il faisait bon vivre avant l’indépendance, les politiciens hindous ainsi que Bérenger et Duval ont réussi à en faire un enfer où règnent dorénavant l’indécence, l’opportunisme, la saleté, la laideur, la corruption, le trafic d’influence, la drogue, l’insécurité, des services publics défaillants, la léthargie, les passe-droits, les abus de pouvoir et de biens sociaux, un énorme gaspillage, une incapacité à planifier et la conduite d’une politique incohérente et contradictoire à la petite semaine. Un énorme fatras à l’état pur, loin d’un État civilisé et moderne !

Mauriciennes et Mauriciens de tous bords et de toutes communautés qui êtes conscients des gabegies, des manquements et des comportements indécents constamment répétés venant des politiciens qui ont charge de notre pays et qui sont en train de le paupériser avant de le faire sombrer, joignez-vous à nous pour leur dire : nous en avons marre ! Et pour leur dire en pleine figure : dégagez et laissez la place à des politiciens autrement plus capables et dynamiques que vous !

Suivons donc le dossier de Rezistans ek Alternativ de très près : comme vous savez, il est actuellement soumis à l’examen de notre plus haute instance judiciaire. Tenons-nous prêts à défendre nos cultures et nos identités respectives ainsi que notre vivre-ensemble actuel, afin de les mettre à l’abri des politiciens qui voudraient bien profiter d’une dissolution forcée de nos composantes dans un magma informe d’où les minorités non hindoues sortiront perdantes. Et à Rezistans ek Alternativ, disons fermement : Allez porter votre syncrétisme et vos lubies chez les naïfs et les petits idéologues à votre image !

Nous nous adressons aux Mauriciens éclairés et courageux : notre patrie est en danger. Il nous faut nous réveiller ! Certains veulent continuer à nous endormir. Nous devons lever la tête pour nous opposer à l’exploitation intellectuelle à laquelle nous sommes soumis et à la résignation forcée que nous subissons depuis trop longtemps.

A. Jean-Claude Montocchio      

[1] Voir en particulier l’excellent ouvrage de l’anthropologue Rosabelle Boswell, d’origine mauricienne, intitulé « Le Malaise Créole — Ethnic Identity in Mauritius » (texte en anglais) — Berghahn Books, New York, Oxford, 2006.