Il y a encore une quinzaine d’années, la diffusion libre et aisée de l’information par des individus ou des instances quelconques était quasiment impossible à Maurice. L’Internet et les communications par e-mail existaient déjà depuis 1993 dans le pays, mais les messages demandaient du matériel (au moins un PC) et ne pouvaient être adressés qu’à un nombre limité de personnes, d’un internaute à quelques autres.

Pour diffuser des éléments d’information à un grand nombre de personnes par voie de presse ou d’imprimerie localement, il fallait s’adresser à au moins deux intermédiaires, qui avaient donc le contrôle total sur les contenus des textes à faire paraître. De plus, il fallait payer les frais de ces diffusions, qui n’étaient pas à la portée de tout le monde.

Il y a encore dix ans, le rédacteur en chef d’un journal était véritablement un roitelet, avec un pouvoir de décision total sur ce qui pouvait — ou ne pouvait pas — être livré à la considération d’un lectorat généralement peu capable de prendre connaissance de données d’information quelque peu abstraites ou complexes.  

Aujourd’hui, en 2019, la situation a considérablement évolué : les réseaux sociaux sont devenus incontournables à Maurice, et ont procuré à sa population une liberté d’expression inconnue jusqu’ici. Nous passons en revue dans cette chronique notre appréciation de ce véritable phénomène, de ses atouts, de ses limitations, de son côté carrément décevant, et des perspectives qu’il est susceptible de représenter en matière de raffermissement de la démocratie à Maurice.

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Un bref rappel, pour commencer. Quels sont les principaux réseaux auxquels nous pouvons accéder à Maurice ?  À qui servent-ils exactement ?

  • LINKEDIN : l’outil professionnel n° 1 : activer un réseau, trouver des contacts
  • PÉRISCOPE : pour créer un événement live. Option : Snapchat (pour les jeunes)
  • INSTAGRAM : opérations marketing et pub en images
  • FACEBOOK : pour soi-même ou des contacts professionnels. Échanges tout-terrain. Mélange poussé de contenus les plus divers, avec la Terre entière
  • TWITTER : partage rapide de l’information, et établissement de nouvelles relations. Contenus assez relevés par rapport à ce que l’on trouve sur Facebook.

Nous avons bien compris que, dans l’île Maurice, c’est bien Facebook qui est le réseau social de loin le plus populaire, et que le nombre de facebookers mauriciens y possédant une page frise le chiffre de 770 000, ce qui est tout simplement considérable pour une population s’élevant à 1,3 million d’habitants.

À notre sens, ce véritable engouement est dû dans une grande mesure à des raisons psychologiques propres aux petites sociétés émergentes :

  • Le besoin pour l’individu de se situer et de se montrer sur le plan social et même professionnel ;
  • La réponse à un mimétisme social assez prononcé à Maurice ;
  • La satisfaction d’un ego présent chez chacun de nous, à satisfaire par une identification au groupe et à la reconnaissance par celui-ci ;
  • L’entretien de relations marquées dans l’île par leur chaleur spontanée de toujours.

Ces raisons prennent différentes formes, et constituent le témoignage de la physionomie et de la psychologie des Mauriciens. Ils se présentent dans leur diversité, dans leur perception des êtres et des choses, ils balancent les éléments les plus intéressants comme les plus abjects sur leur page, et ils offrent à ceux férus d’observation des informations extrêmement intéressantes sur ce que nous appelons faussement notre « nation arc-en-ciel » : chaleur humaine, préoccupations du jour, critiques, candeur, naïveté, prétention, pédanterie et condescendance, inimitié, analyses de grande finesse, simplisme, cynisme, opportunisme, tromperie, flatterie, la quasi-totalité des sentiments de nos compatriotes s’affiche sur leurs pages. Shakespeare aurait trouvé encore plus d’inspiration dans notre île sur les très nombreuses facettes de l’âme humaine que dans son île à lui.

Mais peu de Mauriciens se rendent compte pleinement combien cette « libération » par Facebook a été utile pour la liberté d’expression et, de manière générale, pour les libertés civiles dans l’île. Car sans la liberté d’accéder à des informations autres que celles que les médias traditionnels nous servent depuis toujours, sans la possibilité d’analyser les événements locaux et internationaux de divers angles, sans les textes qui peuvent nous guider dans l’étoffement et l’affinement de notre pensée, et sans les circuits nous permettant de nous exprimer et de mettre en avant nos points de vue (pour ce qu’ils peuvent valoir), la démocratie reste faible, et le peuple reste bradé pour son inspiration et dans le développement de ses capacités intellectuelles par ce qu’on lui propose.

Facebook nous libère de l’emprise de la télévision, des radios (publiques et privées), des journaux et des informations, dont certaines sont biaisées ou incomplètes ou censurées ou autocensurées (sans même que les lecteurs ne s’en rendent compte) en matière d’informations, de dossiers et de critiques.

Facebook (et l’Internet sur PC) nous permet d’accéder à des questions et des événements qui ne paraissent jamais sur ces médias locaux.

Facebook nous donne la faculté de nous exprimer et de dire notre sentiment sur à peu près tout ce qui existe et se passe dans le monde sans que nous ayons à subir le contrôle de ces médias locaux (nous avons une expérience personnelle à ce sujet).

Facebook nous libère du langage politiquement correct, qui constitue une lourde entrave à la participation des citoyens à la vie politique du pays. L’Economic Intelligence Unit (EIU) a fait ressortir il y a quelques semaines que dans notre supposée « pleine démocratie », la participation à la vie politique et à l’exercice des droits civiques est faible, même par rapport à des pays comme Madagascar, la Sierra Leone et le Lesotho, ce qui est très significatif.

Facebook nous offre la possibilité de lancer une discussion constructive sur les questions les plus diverses et à prendre conscience de la valeur de certaines questions pour notre mieux-être.

Facebook nous permet à Maurice de prendre une part très étroite à un événement politique comme des élections générales. Vous verrez que le rôle que jouera ce réseau social dans la prochaine campagne électorale sera au moins aussi importante que celui que joueront les estrades et les caisses de savon.

Et avec Facebook, le monde entier nous est accessible. Nous sommes désenclavés en permanence, pour ainsi dire.  

Pourquoi est-il impératif pour nous de nous libérer des médias traditionnels ?    

  • La télévision nationale est utilisée comme paillasson par le parti au pouvoir, pour son propre bénéfice. Cela s’apparente à un lavage de cerveau ;
  • Les radios publiques sont contrôlées par les serviteurs attitrés du gouvernement
  • Certaines radios privées ont dans leur personnel de sombres individus qui fréquentent des alcôves et qui savent à quel niveau faire stopper les interventions des membres du public lorsque la diffusion en direct de leurs propos est en cause ;
  • La quasi-totalité des organes de presse sont sous la domination évidente de trois parties concernées par leurs activités : les annonceurs, les actionnaires et ceux que nous appellerons pudiquement les pouvoirs occultes, ces derniers contrôlant et filtrant les informations de près du haut de leur mirador ;
  • Pour faire bonne mesure, il faudrait aussi ajouter les sympathies non déclarées de certains chroniqueurs pour des partis politiques précis ;
  • … ainsi que les imprimeurs, tels des cerbères, gardant le contenu de l’imprimé.

Voilà, chers compatriotes, où nous en sommes exactement avec le traitement de l’information à Maurice. Si vous estimez qu’il n’y a rien à redire à cette situation et que vous pouvez continuer à dormir tous les soirs du sommeil du juste, finissez quand même la lecture de cet article, qui pourrait vous surprendre un peu.

Mais avant d’y venir, faut-il que nous vous fassions part d’une ou deux considérations. Un système autoritaire est assez facile à mettre en place, dans les pays où le peuple est soumis, qu’il n’est pas sensibilisé aux conséquences des mesures et des actions que prennent ceux qui agissent pour leur compte, et que son espérance d’une vie meilleure se résume à gagner quelques roupies de plus. Lorsque les moyens nécessaires à la jouissance des libertés sont réduits, les occasions de s’exprimer et de jouir de ces mêmes libertés n’ont pas d’intérêt majeur. Pour être vraiment libre, faut-il être d’abord conscient de ce que la liberté nous apporte.

Il se passe, semble-t-il, des choses très graves à Maurice actuellement. Un correspondant actif de Facebook a balancé sur sa page ce matin (29 juin 2019) deux nouvelles préoccupantes concernant notre avenir politique et le comportement d’un organe de presse :

  • D’après ce facebooker qui ne souhaite pas révéler son identité et qui anime sa page régulièrement sous le pseudo « Paul Lismore », il se trouve actuellement à Maurice une petite équipe d’Israéliens « venus à Maurice à titre privé, sous contrat », spécialistes des services de renseignement, pour exécuter un plan qui consisterait à utiliser des équipements hypersophistiqués pour enregistrer des conversations confidentielles d’hommes de loi localisés dans un endroit précis de Maurice. Ces gens circulent dans un fourgon de couleur blanche, et sont logés par un haut fonctionnaire à Vacoas. Ledit plan consisterait aussi à utiliser des messages et des vidéos obtenus de manière illégale et criminelle et les faire sortir une semaine avant la date des élections générales pour « couler » un leader politique.
  • Des informations très précises concernant la présence à Maurice de ces Israéliens ont été communiquées à un quotidien, qui refuse d’en faire état.

Mauriciennes et Mauriciens, si ce que nous avançons ci-dessus est exact, nous pouvons sans aucun risque de nous tromper commencer à redouter une dérive de notre pays vers un système autoritaire dans un proche avenir. Nous sommes déjà, avec le projet de « Safe City » entrés dans un régime de surveillance. Nous consacrerons notre prochaine chronique à cette question.

Tenant compte du fait que vous êtes libre de choisir ceux que vous souhaitez accepter comme « Amis » sur Facebook, et que l’inverse est également vrai, nous vous suggérons instamment aux facebookers se trouvant dans la liste suivante d’accepter que vous deveniez leurs amis, ce qui vous permettra de lire les textes très instructifs qu’ils balancent régulièrement sur Facebook : Sedley Assonne, Raj Ramlugun, Ploum Ploum (et sa chatte), Prakash Neerohoo, ainsi que quelques autres esprits libres et indépendants.

Vous ne serez peut-être pas d’accord avec ce que ces facebookers disent, ni aussi avec le style qu’ils utilisent pour passer leurs messages. Mais avec eux, nous sommes à un niveau d’informations nettement plus direct et révélateur par rapport à celui que propose la quasi-totalité des quotidiens. Avec eux, nous sommes dans la « réalité réelle » de l’île Maurice et de ce qui compte pour nous. Nous avons là affaire à des gens dont le courage pour trouver, décortiquer, affiner et traiter l’information est dix fois plus fort que celui qu’affichent les journalistes soucieux de ne pas déplaire aux quatre premiers groupes que nous avons mentionnés ci-dessus.

Méfiez-vous toujours des journalistes haut placés et qui vous déclarent que leur organe de presse est libre et indépendant, leurs préoccupations courantes ou celles de leurs maîtres étant si souvent bien éloignées du bien commun.   

Avant de terminer, nous réitérons notre suggestion que vous développiez vos relations sur Facebook : il y a ‘posts’ sur ce réseau qui valent leur pesant d’or et qui sont susceptibles de nous faire prendre conscience de beaucoup de choses sur notre île natale ainsi que d’animer notre désir de les faire évoluer. Qui plus est, nous pouvons répondre à ces ‘posts’ et mettre en avant nos propres points de vue. C’est peut-être là en fait que se situe le réel intérêt du dialogue et des échanges entre citoyens.

A. Jean-Claude Montocchio