Appel à Arvin Boolell – to ler finn arrivé !
Cher Arvin,
J’espère que tu vas bien ! Long time no see…
La situation dans laquelle se trouve notre pays sur le plan politique, social et moral me pousse à m’adresser à toi et te présenter ce message concernant notre avenir.
J’ai adressé une lettre la semaine dernière sur ma page ‘Allo Maurice’ à ton leader – pour lui rappeler son passé et l’inviter à se retirer et te laisser prendre les rênes du Parti travailliste, avant que n’arrivent les prochaines élections. Il ne le fera évidemment pas, bien que son maintien sur la scène politique de Maurice fera sans aucun doute beaucoup de tort au parti, et qu’il pourrait même affecter négativement sa performance dans ces élections.
Je prends pour acquis le fait que tu as lu ce texte, qui constitue un vrai réquisitoire contre la politique que Navin Ramgoolam a menée durant 3 mandats, ainsi que contre le comportement qu’il a adopté envers l’État, son gouvernement, son parti, ses mandants et sa propre personne pendant la période en question (1995-2000, 2005-2014).
Beaucoup de Mauriciens pensent que c’est toi qui, en toute décence, aurais dû prendre le leadership du Ptr après le piteux revers électoral – un désaveu complet – subi par Navin Ramgoolam dans la circonscription de Triolet en décembre 2014, du moins si ce dernier avait eu un peu de dignité et d’amour-propre. Mais l’individu étant qui il est, il t’a écarté de la manière que nous savons au début de 2015, et depuis il continue à régner sans partage sur le parti (qui n’est même pas dûment enregistré, si l’on en croit son interview sur ION News en 2015 !)
Bien que la majorité des citoyens de Maurice ne s’en rende pas compte, nous sommes arrivés aujourd’hui à la croisée des chemins. Nous possédons maintenant une expérience de 50 ans et plus sur la façon dont nous nous gouvernons, et ceux d’entre nous qui avons développé une certaine objectivité et un sens critique savent où se trouvent les nombreuses failles de notre système, qu’exploitent pour leur bénéfice personnel Navin Ramgoolam et ses suiveurs, ainsi que les membres de la famille Jugnauth et tous les parasites qui gravitent autour d’eux.
Pour le redire une nouvelle fois, la principale contrainte de notre pays tient au fait que (trop) peu de nos électeurs possèdent une formation politique, une éducation et un sens critique leur permettant de ne pas se laisser exploiter intellectuellement, sans qu’ils ne se rendent compte, par des politiciens dont le but principal est de garder ou revenir au pouvoir. Et dans une situation comme celle-là, le moyen le plus efficace pour faire évoluer le pays dans un sens positif, du moins dans le court terme, est de finir par imposer des politiciens munis de suffisamment d’intégrité, de compétences et de dynamisme (si tant est qu’ils existent) pour prendre la direction du pays et l’orienter vers un développement économique, moral, intellectuel et politique capable d’assurer une rupture – une vraie – dans sa marche en avant dans des conditions favorables vers l’avenir.
Je me suis livré à beaucoup de réflexions ces derniers temps, en tentant de conserver une neutralité et une objectivité aussi fortes que possible. Je suis quelque peu chanceux à cet égard : depuis la formation du « gouvernement d’unité nationale » de décembre 1969 par Duval et Ramgoolam, je ne me suis jamais identifié à quelque parti politique que ce soit à Maurice et, depuis la cassure de 1983 jusqu’à mon départ du pays en 2000, je ne me suis toujours fait un devoir de déposer lors des élections législatives successives un bulletin sans aucune croix dans l’urne, ce dont je n’ai jamais cessé de me féliciter.
L’approche donc la proposition qui va suivre sans aucune sympathie pour quelque parti ou homme/femme politique que ce soit, toi compris. Si je la fais, c’est uniquement en réaction à une situation locale qui continue à se dégrader, aux nombreuses attaques envers notre démocratie et l’intérêt supérieur de notre pays et au maintien d’un style de gouvernance dépassé, en somme à tout un ensemble de graves dangers qui doivent recevoir une attention urgente et prioritaire, avant bien d’autres considérations, notamment celle de la politique partisane et des affrontements entre rivaux.
Suite à mes réflexions, et tenant compte d’un ensemble de facteurs bien précis qu’il serait long à énumérer ici, je suis parvenu à la conclusion que la seule chance pour Maurice de commencer à s’en sortir, c’est que le Parti travailliste gagne les prochaines élections générales avec une majorité aussi confortable que possible, mais que Navin Ramgoolam soit battu dans la circonscription où il sera candidat.
Dans un tel cas, vu que Shakeel Mohamed a signifié son intention de ne pas briguer de suffrages après les prochaines élections, tu deviendrais de facto le Premier ministre du pays. Ton heure est arrivée, Arvin. Le temps est venu pour toi de montrer – enfin – que, comme tu le dis toi-même, ton humilité n’est pas un signe de faiblesse, et que tu es prêt à t’affirmer en tant que chef politique d’une île Maurice autre que celle que nous avons connue depuis plusieurs décennies.
Tu es aujourd’hui le seul homme politique à Maurice à posséder l’expérience, les compétences, le respect et l’estime nécessaires pour t’imposer au sommet de l’État et prendre charge d’une double mission de la plus haute importance : ARRÊTER LA DÉCHÉANCE ET LA DÉSINTÉGRATION PLUS AVANT DE NOTRE PAYS, ENCORE EN SOUS-DÉVELOPPEMENT À BIEN DES ÉGARDS, ET ASSURER SON INDISPENSABLE TRANSITION VERS UN ÉTAT MODERNE, NETTOYÉ DE TOUT LE DÉSORDRE, L’INSÉCURITÉ, LE LAISSER-ALLER, LA LÉTHARGIE ET LES INÉGALITÉS QUI LE PÉNALISENT, ET DÉBARRASSÉ DE TOUS CES HOMMES POLITIQUES DÉSESPÉRANTS QUI ONT – OU ONT EU – LA CHARGE DE NOTRE GOUVERNANCE ET QUI CONTINUENT À NOUS MONTRER LEUR VANTARDISE, LEUR ARROGANCE, LEUR IMPUDEUR, LEURS LÂCHETÉS ET LEUR AMATEURISME.
Les deux immenses dangers qui nous guettent à Maurice aujourd’hui s’appellent Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam. J’ai dressé le bilan désastreux de ce dernier dans ma dernière chronique. Quant à Pravind Jugnauth, il n’y a que ses inconditionnels qui ne comprennent pas combien son retour au pouvoir serait une vraie catastrophe et un recul extrêmement dangereux pour notre démocratie. Avec lui, nous avons affaire à un individu qui montre régulièrement combien il a une faible personnalité et est incapable d’agir en vrai leader.
Mais il y a bien pire. Avec lui, l’autorité de l’État recule : les Mauriciens font les frais de l’incompétence, de la corruption, de l’insécurité, de la délinquance, des trafics de toutes sortes et du népotisme qui, tels des contre-pouvoirs, limitent l’action de l’État et l’empêchent d’agir sur la vie des gens. Les libertés reculent, les valeurs disparaissent, ses interventions-spectacle se résument à la critique de l’adversaire, certaines de ses déclarations sont tout simplement risibles, surtout lorsqu’il se pose en modèle. Et à part le match à venir Jugnauth-Ramgoolam à l’occasion des prochaines élections, bien peu de questions concernant notre avenir – les seules qui devraient compter – sont évoquées.
Tu te doutes bien qu’il existe beaucoup de Mauriciens qui sont disposés et même anxieux de te soutenir dans ton accession au poste de leader et, si Navin Ramgoolam persiste à se maintenir à la tête du Parti travailliste, dans une structure où il n’est même pas possible de tester sa légitimité et sa vraie popularité, tous ceux qui sont favorables à ton accession à la tête de ton parti (dont je fais partie) vont initier un mouvement pour provoquer ton accession au leadership. Comme mentionné ci-dessus, des moyens pour te porter à la tête du pays existent, et ils seront utilisés à fond le moment venu, sois-en certain !
La mission qui t’attend est immense. J’en vois plusieurs aspects déterminants :
- Redonner à la politique ses titres de noblesse. La politique a été énormément dévaluée à Maurice au fil des ans par les comportements infects de beaucoup d’hommes politiques, et pas des moindres. Dans un pays où l’éducation politique reste à faire, l’exemple est une dimension fondamentale de notre comportement, car il inspire. Nous en avons cruellement manqué, à cause de politiciens incapables de prendre conscience de leurs responsabilités exactes à cet égard ;
- Réconcilier le désespoir de nombreux Mauriciens envers la politique locale en mettant en place un gouvernement des affaires publiques digne de ce nom ; c’est un objectif qui reste réalisable si les Mauriciens avisés font corps pour provoquer l’évacuation de la scène politique aussi bien les dinosaures – « la bande des quatre » – que les petits êtres, traîtres compris, qui tournent autour d’eux ;
- Structurer l’organisation et la gestion de l’activité politique dans le pays par une législation appropriée. C’est là une démarche qui n’a jamais été entreprise et est tout à fait essentielle, pour limiter les libertés que prennent les leaders politiques sans considération pour leur électorat ;
- Commencer à imprimer de véritables lignes politiques dans les partis, pour les forcer à maintenir une cohérence décisionnelle et abandonner les interventions à la petite semaine, au fil des circonstances et des occasions ;
- Dans un premier temps, en prévision d’une profonde modification de notre Constitution, mettre sur pied un Conseil économique, social et environnemental indépendant, composé de membres reconnus pour leurs compétences, leur neutralité et leur indépendance, loin des lèche-bottes et des trafiquants d’influence, capables de constituer l’un des piliers de nos structures politiques (aux côtés de l’État et du secteur privé) et servir en tant qu’organisme consultatif actif et force de proposition objective et respectée en matière de développement. En seront exclus les « yes-man » et les « yes-woman ».
Pour réaliser une telle mission, il est impératif pour toi de t’adjoindre la collaboration de jeunes ayant montré des aptitudes et des capacités à participer à l’administration de la Cité dans l’avenir. Je me permets de te conseiller fortement de tenter de t’assurer la collaboration de personnes du calibre d’Avinaash Munohur, de Padma Utchanah, de Parvèz Dookhy, d’Alexandre Pougnet et d’autres jeunes Mauriciens de la même trempe. C’est avec la coopération des personnes de ce type que pourra survenir l’élimination rapide des autocrates, des politiciens-croupions, et des élus (nombreux) incapables d’être à la hauteur des situations engageant l’avenir proche ou lointain de notre pays. La transition vers une vraie démocratie en dépend fortement.
Comme tu le disais si bien lors de ton intervention sur le samadhi de ton père il y a quelques jours, le développement est une aspiration à long terme qui se prépare patiemment à force d’idées, d’initiatives, d’efforts et de vision. Ce développement requiert des compétences, de la foi, de la sincérité, et de l’humilité en face de l’ampleur d’une telle mission. Tu pourras compter sur beaucoup de Mauriciens dans cette entreprise. Tu seras soutenu, parce qu’à travers toi, les Mauriciens recommenceront à comprendre l’intérêt précis d’une contribution commune et désintéressée au bien commun.
Au moment de voter, la bataille que nous allons devoir mener sera surtout contre nous-mêmes : encore trop d’électeurs de notre pays votent par sympathie pour le représentant d’un groupe particulier, en se laissant dominer par leur sentiment d’appartenance à ce groupe, sans même examiner les capacités du candidat à les représenter de manière compétente ; encore trop d’électeurs de notre pays se laissent emporter par la sympathie qu’ils éprouvent pour un leader par rapport à son passé, sans se soucier de ses grossières erreurs ou de ses démissions, comme le témoigne l’insertion de nombreuses photos du Paul Bérenger des années 1970 sur Facebook actuellement.
Dans certaines circonstances particulières, comme celle dans laquelle nous nous trouvons, un vote responsable doit prendre à titre exceptionnel la forme d’un vote utile, détaché de toute subjectivité, et destiné à faire son résultat servir à la réalisation d’un projet politique précis. À cet égard, les prochains votants auront la lourde responsabilité de faire pencher la balance en faveur de ceux des candidats capables de faire avancer Maurice, plutôt que de la faire piétiner en faisant élire ceux qui ont prouvé qu’ils ne savent pas ou ne sont pas assez courageux pour faire le pays évoluer vers un développement sur tous les plans.
Avant de terminer, Arvin, je prends la liberté de saisir la présente chronique pour adresser un message franc et sincère à tous les membres de la communauté hindoue de Maurice.
Les Mauriciens de tous bords qui sont un peu éclairés savent bien que le pouvoir à Maurice sera représenté à sa tête par un Hindou pendant encore longtemps. Les membres des autres communautés et ceux qui se considèrent déjà comme des Mauriciens à part entière, sans plus de sentiment d’appartenance à une communauté particulière, en sont conscients. La seule chose que demandent les non-Hindous motivés et vraiment désireux de voir Maurice progresser, c’est que le leader du parti au pouvoir soit quelqu’un de sincère, de compétent, d’éclairé, de mûr et de dynamique, quelle que soit sa caste ! Il faut que nous soyons fiers de notre leadership. Espérons que l’ensemble de la communauté non-hindoue sera pleinement entendu par tous les votants lors des prochaines élections générales…
Ton heure est arrivée, Arvin ! Mais je ne souhaite en aucune manière que la présente chronique te cause des ennuis auprès de ton leader ou de ton parti. Ce n’est pas mon but. Je veux seulement exprimer le désir de voir les résultats de la consultation à venir t’ouvrir la voie vers un destin national, qui te permettra d’emmener tout le pays vers des jours meilleurs. Nous te faisons confiance. Bonne chance !
CODE POUR LA PROCHAINE CAMPAGNE ÉLECTORALE : #AB4PM
A. Jean-Claude Montocchio
Bonjour Jean-Claude,
J’ai beaucoup de plaisir a vous lire. Je salue votre initiative pour essayer d’apporter des changements dans le paysage politique de Maurice. Ce que vous exprimez est tres probablement ce que pense la majorite des Mauriciens. Il me semble que ce que vous souhaitez correspond bien a l’ideal que les Mauriciens se font de l’avenir. Mais entre cet ideal et la realite, il y tout un ensemble d’obstacles que vous avez clairement souligne. La question est de savoir s’il peut y avoir un changement radical malgre tous les manquements et faiblesses de la population qui agissent comme une force d’inertie considerable maintenant le statu quo et meme tirant vers le bas; ou faut-il attendre qu’il y ait une evolution majeure dans l’etat d’esprit de la population pour qu’un tel changement se produise?
A l’heure actuelle, apres 35 ans de developpement economique ( meme si ce developpement est fragile et se fait au prix d’un endettement extremement dangereux, et au detriment de notre appareil productif) et une redistribution de la richesse qui a apporte a la population un acroissement indeniable du niveau de vie, il y sans doute tres peu de gens, a l’exception des pauvres, qui peuvent avoir le courage de sacrifier le confort auquel ils sont habitues depuis un bon bout de temps, meme s’ils cherissent cet ideal politique. En d’autres termes, les conditions de la revolution que vous souhaitez n’existent pas encore.
D’autre part, on ne peut pas nier le fait que le seul facteur qui peut faire soulever les foules reside dans la dynamique particuliere des relations inter- communautes, facteur que les politiciens savent habilement manipuler a des fins politiques, et qui est en definitive la cause reelle de la lethargie politique.
D’un autre point de vue, vous passez sous silence le role de Paul Berenger, qui a mon avis est le vrai manitou depuis 1982, malgre les apparences. Mais ceci est une autre question. Tout comme la question suivante: Entre la paix que nous connaissons, et une plus grande democratie qui ne garantit pas cette paix ( parce qu’il y aura toujours des politiciens qui n’hesiteront pas a mettre cette paix en peril), a-t-on vraiment le choix?
Bonsoir Hamid,
Merci beaucoup pour le message que vous m’avez fait parvenir lundi dernier, bien reçu et apprécié. Je vous réponds avec un peu de retard, dû comme d’habitude à mes engagements professionnels.
J’espère que tout va comme vous le souhaitez à Maurice. À vous lire, je me rends compte que vous utilisez votre sens de l’observation et votre faculté d’analyse au développement plus avant de votre acuité intellectuelle : votre perception de la situation qui prévaut dans l’île est en effet empreinte de perspicacité et de justesse. C’est du moins le sentiment que j’éprouve en lisant vos propos.
Je partage entièrement les différents aspects de l’analyse globale que vous m’adressez sur la situation à Maurice au plan politique. En pêchant probablement par optimiste, je tente d’apporter ma pierre à l’édifice malgré le fait que, comme vous en faites état, la construction concernée demandera beaucoup de temps pour son achèvement. Comme vous le savez autant que moi, les changements dont le pays a besoin pourraient prendre nettement moins de temps qu’ils ne prennent d’habitude si les politiciens montraient un peu de courage dans la prise de décisions nécessaires, mais pas nécessairement populaires. Et la surenchère à laquelle se livrent Jugnauth et Ramgoolam dans leurs affrontements ne vient pas arranger les choses.
La plupart des commentaires que je reçois – près de 1 200 pour l’article en cours concernant Arvin Boolell – traduisent une imbécillité et un manque de recul affligeants chez les électeurs du scrutin à venir, en montrant clairement que le chemin restant à parcourir avant l’atteinte d’une situation tant soit peu satisfaisante sera encore bien long. Et, pour ne pas changer, ce seront les esprits déjà évolués qui subiront les frustrations les plus intenses dans un tel contexte…
Une remarque à propos de la dernière question que vous posez en guise de conclusion de votre message, relative au choix entre la paix sociale et l’avènement d’une plus grande démocratie. À mon sens, le fait d’attendre, comme par le passé, que les choses adviennent en leur temps, sans les hâter, comporte un gros risque : à Maurice, la déchéance morale individuelle et collective s’accentuent, ce qui mènera à une instabilité et à un laxisme de plus en plus aigus. J’espère sincèrement me tromper.
J’ai envie de terminer en vous faisant part du fait que la déliquescence grandissante qui prévaut dans le pays où je vis le rapproche dans une grande mesure de la situation qui prévaut dans mon pays natal. L’Homme peut se montrer désespérant, des fois, où qu’il se trouve…
Jean-Claude